Bolloré, main basse sur l’Afrique : l’après-Roussin, l’entrée en scène du gauleiter Lafont

Bolloré s’est récemment débarrassé de l’aimable et courtois ancien Ministre Michel Roussin pour des raisons et dans des conditions sur lesquelles nous reviendrons.

Voici maintenant à la manoeuvre le gauleiter Lafont dont les méthodes ne vont pas manquer de surprendre la planète africaine !

Les Chefs d’Etat africains ont-ils conscience de la nasse dans laquelle ce personnage veut les enfermer ?

La presse sénégalaise a rapporté les propos tenus récemment à Dakar par Lafont, DG pour l’Afrique de Bolloré. Propos qui ne manquent pas de sel… et qui témoignent que Bolloré ne s’est pas encore remis de son éviction du Port autonome de Dakar (PAD) au profit de Dubaï Ports World (DPW).

« Il ne serait pas naturel ni légitime qu’on accepte de se retirer du PAD parce que nous avons raté un appel d’offre il y a trois ans, a-t-il déclaré. Ce n’est pas raisonnable… Nous sommes l’opérateur privé qui a développé le plus d’expériences de partenariat public-privé en Afrique puisque nous avons développé 15 concessions à travers l’Afrique dans une dizaine de pays, dans plusieurs activités différentes que sont le ferroviaire, le portuaire et le fluvial… C’est pourquoi, il est important que nous conservions une responsabilité importante dans le Port autonome de Dakar car si nous n’avions plus d’activités portuaires, cela voudrait dire quelque part qu’un maillon de la chaîne manquerait… Ce qui ne serait d’ailleurs pas bon pour le Sénégal. Car je vous le dis tout de suite, la logistique, c’est l’avant-poste du développement. Et un pays a intérêt à avoir autant d’opérateurs logistiques solides et fiables qu’il peut en avoir… Ce serait de la folie de la part du Sénégal d’essayer de brimer un opérateur qui a fait ses preuves comme Bolloré. » (Walfadjri)

Et de rejeter, la main sur le cœur, toute idée de monopole sur le continent africain : « Il est rare que nous bénéficions de quelque monopole que ce soit en Afrique, a ajouté Lafont. Nous ne sommes pas des partisans du monopole. Nous sommes des partisans de la concurrence. Et d’ailleurs, nous pensons qu’avec la concurrence, l’Afrique va de plus en plus se développer… » (Walfadjri)

Tout cela est bien émouvant. Mais au fait, regardons de plus près la situation en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale.  Côte d’Ivoire-Abidjan : Bolloré contrôle le port après avoir passé un marché de gré à gré ; Gabon : Bolloré a pris possession des ports d’Owendo et de Port-Gentil dans des conditions absolument contestables et malgré des décisions de justice contraires ; Cameroun-Douala : Bolloré a remporté l’appel d’offre pour le port à conteneurs mais se trouve sous le coup d’une plainte pour « corruption et favoritisme » ; Congo-Pointe-Noire : Bolloré a obtenu récemment la concession du port à conteneurs avec un gros coup de pouce des autorités françaises notamment par le biais de l’AFD ; Togo-Lomé : Bolloré vient de reprendre le port dans les conditions que l’on connait ; et encore les ports de Cotonou (Benin), Tema (Ghana), Tican (Lagos, Nigeria)… Sans oublier le contrôle des chemins de fer desservant  les pays enclavés : Camrail au Cameroun, Sitarail en Côte d’Ivoire… En Afrique de l’Ouest, « partout nous sommes le premier opérateur », déclare Lafont (Le Monde Diplomatique, avril 2009).

L’absence du  port de Dakar dans ce tableau n’est donc, il est vrai, « pas raisonnable », et c’est de la folie pour un pays souverain que « d’essayer de brimer un opérateur qui a fait ses preuves comme Bolloré », un opérateur qui comme chacun le constate abhorre le monopole et adore la concurrence…

Dans les semaines à venir, nous détaillerons port par port la façon dont Bolloré s’en est emparé et nous expliquerons également comment le gauleiter Lafont a pu établir de bonnes relations avec le « Ministre Conseiller » Debbasch au Togo.

Article publié dans Walfadjri (Sénégal), 17.06.09

3e quai : pourquoi le protocole d’accord visé par Debbasch et signé par S.E. Faure Gnassingbé en 2004 avec S.I.T.C. est-il resté lettre morte ?

Le 17 novembre 2004, l’Etat togolais, représenté par S.E. Faure Gnassingbé, alors Ministre de l’Equipement, des Mines et des Postes et Télécommunications, a signé avec la société S.I.T.C. un protocole d’accord portant sur la construction, l’exploitation et l’entretien des infrastructures pour la réception des navires porte-conteneurs au port de Lomé.

Ce protocole, qui avait été visé par le « Ministre Conseiller » Debbasch, établissait trois étapes :

  • 1ère phase : accroissement de la capacité de réception du Môle 2
  • 2e phase : création de deux nouveaux poste à quai à conteneurs équipés de portiques
  • 3e phase : création d’un 2nd poste à conteneurs.

Le projet global visait à faire de Lomé un hub de premier plan en Afrique de l’Ouest.

Il était spécifié dans le protocole : « le Gouvernement Togolais concède à titre exclusif et irrévocable à la société S.I.T.C. ou tout mandataire de son choix, le droit d’effectuer la construction, l’exploitation et l’entretien des infrastructures réalisées au titre de la Première Phase des travaux visant à accroître la capacité de réception des conteneurs au Môle 2 du Port de Lomé. [Le présent protocole] prendra fin lors de la signature de la concession définitive, qui lui sera substituée. » Il était par ailleurs stipulé : la concession définitive « devra être signée dans un délai de six (06) mois à dater de la signature du présent protocole ».

Si la société S.I.T.C. a effectivement tenu ses engagements et mené à bien les travaux de la Première Phase – renforcement de la structure des quais, mise en place de grues mobiles permettant de manutentionner les conteneurs lourds -, le gouvernement togolais n’a quant à lui pas mené à terme la signature de la concession définitive. Les relances de S.I.T.C. sur ce dossier sont, depuis novembre 2004, restées lettre morte et le projet de 3e quai, pourtant vital pour l’économie du Togo, a été empêché d’aboutir.

Quelles en sont les raisons ? Comment expliquer que l’Etat togolais et Progosa, l’un et l’autre pourtant brillamment conseillés par le « Ministre Conseiller » Debbasch, ne soient jamais parvenus à faire aboutir leur projet commun ? Si proches de la signature, unis par une détermination commune, quel obstacle ont-ils rencontrés sur le chemin du 3e quai ?…

Nous expliquerons plus tard pourquoi et comment le « Ministre Conseiller » Debbasch a fait échouer ce projet devenu ultérieurement contraire à ses intérêts personnels.

Protocole du 17.11.04